Avant propos : Le village d'altitude de Bielen se trouve à l'entrée d'une zone militaire en principe interdite au public pendant les exercices (et celui dans le cadre duquel se déroule le meeting d'Axalp ne fait certainement pas exception).
Il va donc de soi qu'au delà de cette limite, votre ticket n'est plus valable...

Sans s'attarder sur l'aspect légal (je n'ai encore jamais vu quelqu'un arrêté ou verbalisé à Axalp), le point à réellement garder à l'esprit est la sécurité. Le risque de se retrouver sur la trajectoire d'un obus de 20 mm existe et sera toujours d'actualité (y compris dans la zone du public).

Cependant, toute intrusion à un endroit considéré comme potentiellement dans un axe de tir par les autorités de l'exercice se solde par l'envoi d'un hélicoptère pour sommer l'intru de dégager (par ses propres moyen, pas de vol retour en hélico gratuit).

Je suis venu à Bielen parce que j'avais repéré des marcheurs s'y rendant quelques années en arrière et souhaitait savoir ce qu'ils y faisaient. En regard de l'aspect légal, des risques et de la mauvaise qualité du spot (inférieure selon moi à la zone du public puisque en contrebas), je le déconseille et je n'y retournerai pas. Cependant, il me semble utile de faire partager mon expérience (plutôt, en l'occurence, que de laisser ceux qui se posent des questions sur l'endroit perdre une journée pour aller tester le spot en aveugle).

A partir de ces informations, chacun prend ses responsabilités.

 

 

 

"Voici plus d'une demi-heure que je tourne entre Meiringen et Brienz, cherchant le départ de la petite route de montagne qui monte vers Bielen. Il a fallu que j'oublie chez moi la carte détaillée de la région, et mes souvenirs datant déjà de plusieurs années me trahissent.

Cette année, j'ai l'intention de monter en voiture jusqu'au village et de pique-niquer là avec les graïoïdes sans aller plus loin, afin d'évaluer leurs réactions au vacarme des réacteurs (l'un connait, l'autre pas).

Finalement, je trouve enfin le chemin : il faut partir vers Unterbarch depuis le rond-point Ouest de Meiringen (en laissant le concessionnaire Subaru sur sa droite) puis prenant à gauche vers la montagne au panneaux de limitation de poids et hauteur "ab Zauntunnel".

Ne prenez pas les vaches Milka comme repère !

Les premières côtes apparaissent immédiatement, la route est du même acabit que celle montant à Axalp (mais bien sûr moins fréquentée). Je suis bientôt en vue du tunnel, ne laissant passer qu'une voiture de front, mais doté d'un éclairage à allumer soi-même (les photos a été prise de l'autre côté du tunnel).

Eteint...

 

Allumé... (plus les phares)

 

Encore quelques lacets et je vois s'approcher mon but, ainsi qu'un étrange câble passant au dessus de la forêt.
J'entre justement dans la zone boisée et me retrouve bloqué face à cette étrange barrière.
Je sors du véhicule et m'approche : le câble sert de support au transbordage de troncs d'abres fraichement coupés. La scène est assez surréaliste et quelques vieux souvenirs des puzzles de Half life me reviennent à l'esprit. Plus loin, j'entend un engin type pelleteuse réceptionner les troncs et les stocker.
L'interval entre deux passage de tronc est important (de l'ordre de plusieurs minutes) cependant le danger potentiel me convainc de rebrousser chemin et j'engage un demi-tour rendu hasardeux, long et laborieux par la faible amplitude disponible entre le talus côté montagne et le vide côté vallée.
Tout comme je redescends je croise un autre véhicule (que je plains pour son demi-tour vu sa longueur).

Un moment, j'ai cru que l'aventure s'arrêtait là...

 

Je gare la voiture un peu plus bas et sort les graïoïdes : si la route est coupée, le chemin de randonné en contrebas doit lui éviter la zone de coupe de bois. Tracté par le couple, j'atteins rapidement une barrière semblable à la première sur le chemin de randonnée.
Las, je rejoins la route, attends le passage du tronc puis passe prudemment la barrière avec mon attelage.

L'obstacle est surmonté, mais il reste facilement un kilomètre à vol d'oiseau à couvrir à pied jusqu'à Bielen, et ça monte...

C'est sans compter l'energie du couple de graïoïdes qui retrouvent dans la montagne suisse le souvenir des hautes terres de leurs ancêtres perses.
Je retrouve dans l'attitude des deux bêtes, si calmes d'ordinaire, la frénésie qui m'animait lors de ma première ascension vers l'Axalphorn. Avide (et bien sûr confiant dans mes capacités physiques et mon équipement), j'avais alors couvert la distance quasiment au pas de course.

Nous arrivons en vue du village d'altitude, quasiment désert. Après l'avoir traversé, je trouve la voiture croisée plus bas garée à l'entrée de la zone d'exercices militaires, et vide.

Ils sont donc montés là-haut...

J'avais prévu de stopper en bordure de zone et d'admirer le spectacle de loin, survolé cependant de près par certains appareils et avec une vue plongeante sur la vallée, en l'occurence une mer de brouillard cotonneux sur laquelle voguent F-5 et F-18 avant leur approche du champ de tir alpin.

Les chasseurs font justement déjà leurs passes de tir de la matinée et mes deux compagnons les ignorent superbement (bon point). De mon côté, moi qui n'avait pas envie de me fatiguer cette année, j'ai déjà grimpé un bon kilomètre avec cette histoire de coupe de bois, alors autant continuer.

Un dernier regard sur le panneau d'avertissement et nous entrons dans le paysage surréaliste de la zone, ondulé par les travées ouvertes par les torrents printanniers et parcourue par une piste rocailleuse qui s'élève jusqu'à un cirque surplombé par l'Axalphorn. Eléments incongrus dans cet environnement sauvage, des abreuvoirs sont disséminés ici et là, alimentés en continu par des robinets captant sans doute l'eau d'un torrent plus haut.
L'eau est indiquée non potable, et d'ailleurs les graïoïdes la dédaignent.

Nous nous écartons à un moment de la piste pour laisser passer un petit tracteur qui ne nous prette pas attention.

Alors que nous enchainons plusieurs lacets pour prendre de la hauteur, je remarque que le chemin de randonné démarré plus bas est toujours balisé et donc logiquement fréquentable hors exercices militaires (la carte m'apprendra plus tard qu'il mène jusqu'à l'Axalphorn).

Bientôt nous arrivons dans le cirque et je découvre qu'une dizaine de connaisseurs sont déjà là, installés sur une pente.

 

La pointe au milieu est l'Axalphorn ; à droite, une partie du groupe de spotteurs (on remarque la jeep verte du guetteur à gauche)

 

Un peu plus loin, un homme en civil, venu avec un 4x4 vert armée (militaire ?), observe les hauteurs alentours aux jumelles en liaison radio avec les autorités du meeting sur l'Axalphorn, a priori pour débusquer d'éventuels promeneurs dans les zones dangereuses

Il est midi passé : les vols d'entrainement de la matinée sont terminés et ne recommenceront qu'à 14H00 pour le meeting.
Chacun se restaure en attendant ; je vérifie mon matériel photo et m'occupe des graïoïdes.

La brume a totalement disparu et le ciel est maintenant d'un bleu quasi-parfait. Je m'inquiète un peu pour les bêtes qui refusent de boire, sans réaliser que l'effort que je leur ai demandé jusqu'alors est dérisoire pour organisme rustique. Il semble évident qu'elles n'ont pas eu leur dose et continueraient volontier la randonnée immédiatement. Devant la fin de non recevoir que je leur oppose, le couple se couche en boule entre deux touffes d'herbe à vache et prend son mal en patience.

14H00 approchent. Au fur et à mesure, plusieurs autres personnes sont arrivées et nous sommes maintenant une vingtaine à attendre le moment fatidique. Quelqu'un se met à décompter les secondes à haute voix :

"10... 9... 8... 7... 6... 5... 4... 3... 2... 1... 0 !"

Le silence retombe... et un jet surgit de l'Axalphorn, sous les vivas !

Après sa passe de tir, il grimpe et passe sur le dos, suivi par son ailier, pour dépasser et disparaître derrière la crête de Wildgärst, mille mètres plus haut. Et le balai se répète avec une classe surréelle.

Je me prends à rèver voir un jour le rafale reproduire ces mouvents gracieux entre les crêtes... ne serait-ce que lors d'un échange de pilotes (des mirages F1 français avaient ainsi participé à Axalp 2006).

Comme plus tôt dans la matinée, mes deux rapaces terrestres lèvent un moment la tête vers les bruyants oiseaux de métal puis s'en détournent pour retourner à leur sommeil.

J'essaye de faire quelques photos, mais la position en contrebas est assez mauvaise et mon objectif trop court (300 mm pourtant).
Je m'attache à compenser ces faiblesses en réalisant mon cliché de prédilection : les avions disparaissant derrière les crêtes. Obtenir un résultat probant reste assez difficile, l'autofocus recalant la mise au point sur la crête au moment précis où l'appareil disparait derrière.

 

 

 

 

La fumée résiduelle d'un lâché de flares par un puma

 

 

Alors que l'après-midi avance, quelques nuages filandreux s'invitent au milieu de la zone d'évolution de la patrouille suisse, rajoutant un certain cachet au spectacle.

 

 

Arrive finalement la conclusion du meeting, avec les Puma survolant la zone en formation, avant d'éclater au break pour se poser sur l'Axalphorn et descendre les VIP vers la base aérienne de Meiringen.

 

 

Nous redescendons également, mais à pied, pour la plus grande joie des graïoïdes. L'expérience est concluante et j'ai les informations que j'étais venu chercher, cependant devant la médiocrité du point de vue, j'exclus de retourner à Bielen à l'avenir.

"

Vue du vallon de Bielen (regard vers l'Est, le village est un peu avant les arbres), depuis le cirque en contrebas de l'Axalphorn.